Je me souviens que les enfants ne comprenaient pas pourquoi ils pleuraient . Je me souviens que j'ai réussi à ne pas pleurer . Pendant tout ce temps , je pensais que tu me manquais . Mais en fait non , c'était bien plus que cela . J'étais constamment asphyxié par le manque de cette odeur , ton odeur . Toutes les nuits je revoyais la scène . Un adolescent , encore un gosse , déçu par un monde qui l'avait fait rêver et devant ton impuissance , ton désarroi , il n'avait trouvé comme seule solution que la gâchette . Tous les jours , à chaque mouvement , je regardais mes mains en repensant aux tiennes et cette image revenait m'agresser , me harceler encore et encore . Un univers blanc et vide qui t'emprisonnait qui te retenait dans un endroit dont même les étoiles avaient peur . Que j'avais fini par fuir . Parce que te voir là , immobile sans le moindre signe de vie intérieure ou extérieure m'était encore plus insupportable que ce vide . Le doute ne me tuait pas ; il me saignait chaque jour un peu plus . Le doute , l'espoir de pouvoir à nouveau te retenir et l'idée , impossible à s'imaginer , de ne plus jamais me perdre dans le profond de ton regard . D'un côté j'espérais de tout mon être que tu abandonnes , comme cela j'aurais pu , moi aussi abréger mes souffrances . Mais tu es revenue , plus tout à fait entière . Quelque part en toi cette blessure ne se fermait pas ; le désarroi . Et moi je suis resté coincé dans mon impasse , je n'ai jamais réussi à remonter . Toutes mes nuits restaient hantées . Après t'avoir perdue une fois , l'idée incontrôlable que tu t'en ailles était inhumaine . Et elle reste là , endormie en moi , un lion en cage .
Elle s'endort , ne voulait plus de ce corps . /