Les cheveux un peu longs, les yeux sans doute fatigués , les mains glacées , le col relevé , la chemise froissée . Il ne dort pas . Cela faisait déjà quelques jours qu'il ne dormait plus que quelques heures par nuit . Il ne s'inquiétait pas . Ne cherchait même pas à comprendre pourquoi . Il restait éveillé à travailler , passionné mais pas obsédé . Au moins , il ne pensait pas à autre chose . Il ne pouvait pas , il n'en avait pas la possibilité . C'était bien mieux comme cela ; de ne pas penser à cette fille qui l'avait abandonné ce matin ; ne pas penser que demain ce ne sera plus le même prénom ; ne pas penser au téléphone qui ne sonnait pas ; ne pas penser à ce qu'aurait pu être sa vie avec elle ; ne pas penser qu'il ne croisera plus jamais son regard ; ne pas penser qu'il ne pourra même plus la croiser par hasard ; ne pas penser qu'il était désormais impossible de l'apercevoir sur le trottoir opposé au milieu de la foule ; ne pas penser qu'il n'avait pas froid . Il enregistra ce qu'il venait d'écrire sur son ordinateur . Il se dirigea vers le balcon attrapant au passage le paquet . La porte était ouverte . Il se retrouva dehors en silence . Admirant les étoiles et la lune qui était juste en face, comme pour le narguer . Il resta immobile pendant un certain temps . Il ne voulait pas savoir combien de temps , il voulait juste sentir le vent passer dans ses vêtements et pouvoir enfin frissoner . Je suis toujours vivant , se dit-il . Il s'avança pour s'accouder à la balustrade et allumer la cigarette sur laquelle il tira une longue bouffée qui lui brûla la gorge . Il se forçait à concentrer ses pensées sur cette cigarette . Il écoutait attentivement , les yeux fermés , le tabac qui se consumait . Mais ce silence et cette obscurité suffirent à la déstabiliser . Et il revit son visage pâle, ses yeux noirs , sentit ses mains chaudes et douces se glisser sous sa chemise et remonter le long de son dos . Il ne tenta pas de chasser cette pensée . Se disant que rien n'avait vraiment de sens , il ouvrit les yeux et sourit en voyant cette lune si lumineuse face à lui . Bien sûr , il était fort . Bien sûr il continuait à vivre , profitait de ce dont il pouvait . Mais il y avait ce vide oppressant là au creux de ses bras , le matin quand il regardait la chaise vide , quand il remplissait un demi thermo .
Des bouteilles vides et puis espère qu'on pourra lire à travers . /